Eddy Marnay, de son vrai nom
Edmond Bacri, né à
Alger le
18 décembre 1920 et décédé le
3 janvier 2003 à
Neuilly-sur-Seine (
Hauts-de-Seine), est un chanteur et parolier français. Son père était un bijoutier réputé d'Alger. On compte, à son actif, l'écriture d'environ 4000 chansons. Il a été administrateur à la SACEM de
1990 à
1997 ainsi qu'à la SODRAC au
Québec. Il a été nommé
chevalier de la Légion d'honneur en
1993.
Biographie
Dans sa jeunesse, il est notamment touché par les oeuvres américaines d'
Irving Berlin,
George Gershwin et
Cole Porter. À Alger, son père, grand amateur de music-hall, l'emmène régulièrement voir les spectacles du Casino. Le futur Eddy découvre
Georgel ou encore
Damia qu'il portraitise en une phrase poétique digne du talentueux auteur en devenir : «
Elle avait des yeux verts de félin, immenses et oblongs, qui remontaient en courbe vers les tempes et toujours noyés de je ne sais quel liquide nostalgique qui la rendait lointaine et cependant tellement charnelle. » Eddy ajoute : «
Pour moi, ce fut l'éveil d'une vocation. Mon père m'emmenait dans les coulisses et je voyais de près ces artistes grimés, pavoisants ou tristes, je respirais des odeurs de résine, de fond de teint et de sueur. Ce monde, je le savais, allait être le mien » (in
Le Manège aux souvenirs, Éditions JC Lattès). <br/ > Il débarque à Paris en
1937 depuis l'
Algérie. Après avoir exercé les métiers de journaliste, de scénariste et d’assistant metteur en scène, il commence une carrière de chanteur mais c'est comme parolier qu'il obtiendra ses lettres de noblesse bien qu'il continue à enregistrer quelques 45 tours jusqu'au début des
Années 1960.
L'après-guerre et les premiers succès
Dès
1946, il écrit déjà sur une musique d'Emil Stern
Où es-tu mon amour ? pour
Renée Lebas. En
1948, il écrit
Les Amants de Paris pour
Édith Piaf sur une musique de
Léo Ferré qu'il a rencontré au cabaret Quod Libet (qui deviendra le célèbre Milord l'Arsouille de Francis Claude) et c'est un succès.<br/ > Durant les années cinquante, on retiendra
Tire l'aiguille pour
Renée Lebas (
1951),
Monsieur Hans pour
Suzy Delair,
Java (Qu'est-ce que tu fais là ?) pour
Lucienne Delyle et
Patachou et
Planter café (musique d'Emil Stern) pour
Yves Montand,
repris par
Mouloudji (
1958). On notera aussi, à son palmarès des
Années 1950, ses chansons pour
Marcel Amont (
Pour qu'un bateau,
1959),
Michèle Arnaud (
Deux tourterelles, musique d'Emil Stern,
1957),
Eddie Constantine,
Luis Mariano,
Mouloudji (
Z'yeux bleus, musique d'Emil Stern, 1957),
Jean-Claude Pascal (
Déjà, musique d'Emil Stern,
1955) et
Henri Salvador.
Chansons de films
Eddy Marnay sera l'un des plus grands adaptateurs français de chansons de films américains. Il pose avec génie ses mots sur ceux des grands paroliers d'outre-
Atlantique et cela donne les versions françaises réussies des chansons-thèmes de films souvent passés à la postérité.<br/ > On retiendra d'abord l'énorme tube des
Années 1950 que fut
Que sera, sera (Whatever Will Be, Will Be) - Oscar 1956, interprété par
Jacqueline François d'après la chanson thème du film d'
Alfred Hitchcock L'Homme qui en savait trop et immortalisée par
Doris Day en
1956.<br/ > Ensuite, c'est
Exodus, interprétée par
Édith Piaf, du film éponyme d'
Otto Preminger sur la musique originale d'
Ernest Gold (
1961).<br/ > Puis, c'est
Le Jour le plus long, chanté en France par
John William d'après la chanson composée par
Paul Anka pour la gigantesque fresque produite par
Darryl F. Zanuck en
1962.<br/ > On n'oubliera pas
Le Sourire de mon amour, un petit bijou écrit pour Juliette Gréco en
1966, adaptation de la chanson oscarisée en 1965, The Shadow of Your Smile d'après le texte original du grand poète noir américain Paul Francis Webster sur une musique de l'immense compositeur
Johnny Mandel. Cette chanson éclipsera même le beau film de
Vincente Minnelli dont elle est issue,
Le Chevalier des sables (The Sandpiper).<br/ > Un grand succès également pour Marnay et
Michel Legrand, compositeur oscarisé en 1968 et interprète de la chanson
Les Moulins de mon coeur (The Windmills of Your Mind) sortie du film
L'Affaire Thomas Crown (The Thomas Crown Affair, 1968).<br/ > Destinées à
Marcel Amont, Marnay effectue, toujours en 1968, les adaptations françaises de 4 chansons de Leslie Bricusse extraites du film musical américain
L'Extravagant docteur Dolittle (Doctor Dolittle) de
Richard Fleischer (
1967) :
Parler aux animaux (Talk to the Animals, Oscar 1967),
Mon frère le docteur,
Quand je lis dans tes yeux et
Docteur Dolittle.
Une tentative théâtrale
En
1975, Eddy Marnay s'essaye à l'écriture d'une comédie musicale dont Michel Legrand est le compositeur. Le spectacle est monté aux Théâtre des Champs-Élysées de Paris et mis en scène par
Maurice Jacquemont. Malgré la présence d'un artiste chevronné comme
Philippe Clay, le succès n'est pas au rendez-vous.
Chansons sur mesures
Marnay va souvent collaborer avec le compositeur français Emil Stern et, ensemble, ils vont créer du sur-mesure pour des artistes emblématiques français comme
Bourvil qui interprète
Berceuse à Frédéric et
La Ballade irlandaise (Un oranger) reprise par
Danielle Darrieux en
1958.<br/ > Ils donnent régulièrement au fantaisiste
Marcel Amont des saynètes à sa mesure :
Pour qu'un bateau (
1959),
La Carriole espagnole (
1960),
Pizzicati-pizzicato (
1961),
Dis Marie (
1962) et
Et voilà les violons (
1968).<br/ > Ensuite, il y a, dès
1956,
Juliette Gréco qui interprète leurs
Ginguettes (dont elle fera une version destinée aux
États-Unis en
1957, sa première chanson en anglais adaptée par J. Spencer,
The Carrousel) puis
L'Or et
Chanson bleue en
1968. On trouve aussi
Régine avec ses
Okazou (
1967),
Patchouli chinchilla (
1968) et
Il a vingt ans.<br/ > Dans la catégorie des chansons sur-mesure, on peut faire une parenthèse pour la collaboration de Marnay avec l'un des plus célèbres compositeurs et orchestrateurs des
Années 1960,
André Popp qui était notamment l'arrangeur attitré de
Marie Laforêt. Ensemble, Marnay et Popp vont enchaîner les succès pour
La Fille aux yeux d'or, parmi lesquels :
Ah ! Dites Dites (
1965),
Manchester et Liverpool (
1966),
Mon amour, mon ami et
Ivan, Boris et moi (
1967).<br/ > Et enfin, en
1973, Eddy Marnay confectionne avec un autre Eddie,
Eddie Barclay, de la haute-couture pour
Brigitte Bardot. Elle interprète avec beaucoup de sensibilité et de retenue cette chanson inhabituelle dans son répertoire :
Tu es venu mon amour (dont elle fera une version italienne titrée
Sei arrivato amor mio).
Des classiques pour Frida Boccara
Mais la grande réussite de Marnay sera sa collaboration avec
Frida Boccara. Il commencera par lui écrire, conjointement avec Jacques Larue sur une musique de
Guy Magenta,
Cherbourg avait raison qui remportera un vif succès en
1961.<br/ > Elle va interpréter une multitude d'oeuvres de Marnay, quelquefois sur des musiques de Michel Legrand comme
La Valse des lilas (
1962) ou
Les Moulins de mon coeur qu'elle reprendra après Legrand en
1968. Une autre fois, ce sera sur des musiques de
Michel Magne comme le tube que fut
Cent mille chansons en
1968 et avec
Belle du Luxembourg en
1969. Et puis, la fois suivante, c'est sur une musique d'Emil Stern que Marnay lui donnera l'un de ses plus grands classiques. On se souvient d
Un jour, un enfant, avec laquelle Frida Boccara remporta, pour la France, le Grand Prix du Concours Eurovision de la chanson à Madrid en 1969 (ex-æquo avec d'autres candidates). Pour Frida Boccara, Eddy Marnay coproduit d'ailleurs, la même année, le 33 tours Un jour, un enfant dont il signe tous les textes, enregistrement qui obtient le Grand Prix du Disque de l'Académie Charles-Cros. Viendront ensuite, en 1970, Les Quatre chemins de l'amour (sur une musique d'Antonio Vivaldi) et Venise va mourir (sur la musique composée par Stelvio Cipriani pour le film Anonimo Veneziano d'Enrico Maria Salerno). En 1972, Pour vivre ensemble et Trop jeune ou trop vieux (musiques de J. M. Braque) et Taureau (musique de G. Vandré). Et puis, sur la belle musique de Georg Philipp Telemann, L'Année où Piccoli en 1978.Chez les yé-yé
Marnay saura s'adapter à la déferlante de la vague
Yéyé et même au
Disco des
Années 1970. Dès
1962, il fait ses premières armes en donnant à
Richard Anthony Fait pour s’aimer.<br/ > En
1965, il écrit un tube pour
France Gall,
L'Amérique, sur une musique de
Guy Magenta puis une adaptation d'un succès italien,
Baci, baci, baci en
1969.<br/ > Pour
Françoise Hardy, Marnay va écrire ce qui sera l'un des plus grands tubes des années soixante de la chanteuse longiligne,
La Maison où j'ai grandi, autre adaptation d'un succès italien d'
Adriano Celentano en
1966. La même année, elle chantera
Qu'ils sont heureux, sur une musique d'
André Popp et en
1969, il lui adoucira les paroles américaines de la ballade
There but for fortune du protest singer
Phil Ochs qui s'appellera en français
Où va la chance ?<br/ > En
1974, Eddy Marnay épouse Laura Conti, de 30 ans sa cadette. C'est elle qui va l'entraîner à écrire sur des musiques discos qui feront sa fortune. C'est ainsi que
Claude François, qui avait déjà repris en 1968
Les Moulins de mon coeur, va enregistrer des tubes sortis de la plume de Marnay dont
Le Mal aimé (
1974),
Cette année-là (
1976) et
Je vais à Rio (
1977).<br/ > On peut aussi ajouter quelques chansons pour
Guy Mardel,
C’est une larme,
Quand on me parle de Paris (
1969) et aussi pour
Hervé Vilard,
Le Dernier voyageur (
1969) et
Amore caro, amore bello (
1971).
Un parolier pour la demoiselle d'Avignon
Sa collaboration avec
Mireille Mathieu prend un essor particulier à partir de
1975 et il devient son auteur fétiche. Mireille dira qu'il est celui qui la comprend le mieux. Il écrit pour elle près d'une centaine de chansons dont de nombreux succès :
Tous les enfants chantent avec moi (
1975),
Mille Colombes (sur l’air
Casta Diva extrait de l’opéra
Norma de
Bellini, adapté par le compositeur allemand
Christian Bruhn,
1977),
Un clown dans mon coeur (reprise
1978),
Santa Maria de la Mer (
1978),
A Blue Bayou (
1978),
Un enfant viendra (
1979),
Une femme amoureuse (
1980),
Trois milliards de gens sur terre (
1982),
Nos souvenirs (
1982),
New York New York (
1982)...<br/ > Il collabore à la production artistique de nombreux albums de Mireille, en particulier celui composé par
Paul Anka en
1979, «
Mireille Mathieu chante Paul Anka », dont il écrira toutes les adaptations françaises.
Autres chansons populaires
Au compte de Marnay, il faut mettre ses textes écrits pour : toujours Marcel Amont avec
D'où vient le vent (musique de R. Bourdin,
1961),
La Demande en mariage (musique d'
Hubert Giraud,
1970), puis
Nicole Croisille avec
Tu m’avais dit (
1975),
Dalida et
Vicky Léandros et leur
Temps des Fleurs (
1967),
Colette Deréal avec
Un clown dans mon coeur (
1966 et repris en
1978 par
Mireille Mathieu avec des paroles légèrement différentes),
Jacqueline Dulac et
Ceux de Varsovie (
1966).
Pour Nana Mouskouri, il écrit Coucouroucoucou Paloma en 1968 et, en 1979, pour son album Vivre au soleil, outre le titre éponyme qu'il adapte d'après Kaempfert, Singleton et Snyder, il lui écrit, sur des airs traditionnels, L'enfant qui va vivre demain (arrangements de Johns) et Jamais je me me marierai (arrangements de Sakel). Marnay écrit aussi à deux reprises pour la jolie Nicole Rieu (Le ciel c'est ici en 1976 et Pour savoir t'aimer en 1998).
En 1970, David Alexandre Winter représente le Luxembourg au Concours Eurovision de la chanson avec Je suis tombé du ciel, musique d'Yves de Vriendt et se place en 12e position. Toujours pour le Concours Eurovision de la chanson, il écrit également pour Anne-Marie David, sur une musique d'Hubert Giraud, Je suis l'enfant soleil, la chanson représentant la France en 1979, qui arrive à la 3e place.
Marnay poursuit encore, pour Serge Reggiani et Ma fille (1971), Michèle Torr et Un homme dans ma vie (1970) et puis Nicoletta avec De minuit à six heures du matin. Il y a même la québécoise Renée Martel qui fait un succès au Canada avec Liverpool en 1969. Toujours au Québec, il écrit aussi pour Nicole Martin (C'est pour lui en 1978, sur une musique du compositeur Fred Farrugia) ainsi que pour Julie Arel (Soleil qui danse en 1973).
Une plume québécoise
Lors des
Francofolies de Spa 1979, Eddy Marnay noue des liens amoureux avec la québécoise Suzanne-Mia Dumont. Il va alors consacrer sa plume à l'écriture de chansons pour beaucoup d'interprètes québécois. En
1982, il écrit les premières chansons de
Céline Dion dont
Tellement j'ai d'amour pour toi, musique d'
Hubert Giraud, qui remporte la médaille d'or du Festival Yamaha de
Tokyo la même année. Suivront encore pour Dion,
D'amour ou d'amitié toujours en 1982 puis, en
1983,
Du soleil au coeur,
Mon ami m'a quittée. Ils feront 5 albums ensemble qui obtiendront plusieurs
Prix Félix, les
Victoires de la musique québécoises.<br/ > Après, on ne compte plus les interprètes québécois qui chanteront des textes de Marnay. On peut néanmoins citer
Ginette Reno et à la fin des
Années 1980, Véronique Béliveau et Marc Gabriel avec
Jérusalem. Durant les
Années 1990, on trouve Mario Pelchat avec
Pleurs dans la pluie (
1993),
Le Bleu du ciel et
C'est la vie (
1995).<br/ > En
1994, il écrit également la chanson
Puisque c'est l'Amour pour
Lara Fabian.<br/ > Jusqu'à son décès en
2003, Marnay écrira encore pour Diane Juster (
Aimer en secret,
Tu as laissé passer l'amour) et pour Pierre Sénécal qui enregistrera l'une des dernières oeuvres du prolifique parolier, l'album
Vivant en
2002. Marie Denise Pelletier enfin, lance en septembre
2003 un album intitulé «
Les Mots de Marnay », lequel album est un vibrant hommage au grand auteur tout récemment disparu. Marie Denise y reprend plusieurs des chansons du talentueux parolier, notamment et en particulier les grands succès de
Frida Boccara, sa muse (
Cent mille chansons,
Les Moulins de mon coeur,
La Croix, l'étoile et le croissant,
Berceuse pour Luciana et bien sûr
Un jour, un enfant).
Autour de ses chansons
Qu'est-ce qu'une chanson ?
- Eddy Marnay : C'est une très belle mélodie et de très belles paroles, mais c'est aussi un cadeau et un miracle qu'on ne peut pas analyser.
En américain
Certaines de ses chansons ont été soit adaptées, soit interprétées en américain par :
Paul Anka,
Tony Bennett,
Miles Davis,
Marlène Dietrich,
Barbra Streisand,
Sarah Vaughan.
Distinctions
Bibliographie
- Mémoires
- Eddy Marnay, Le Manège aux souvenirs, Éditions JC Lattès, Paris, 1990 (ISBN 270960891X)
Lien externe